1. Je suis la somme de tous mes soutiens

mercredi 30 novembre 2016

C’est arrivé. Comme ça. On y pense, sans jamais y croire vraiment.

Les soucis de santé ça me connaît. J’embête du monde, croyez-moi. Je le sais, mais j’aime bien partager, me plaindre. Enfin c’était avant.

Pas si grave. Dépression nerveuse, « burn-out », des trucs du moment. Hélicobacter pilori, estomac inondé d’acide et colon douloureux, supportable. Puis, à l’occasion d’un déplacement de décors au théâtre, c’est le biceps qui lâche. Bing… Comme un élastique tendu qui casse en même temps qu’une douleur électrique, presque anodine. Il remonte sur le triceps, jusqu’à l’épaule. Rupture distale, qu’il me dit, le chirurgien orthopédique. Réservé aux sportifs ou aux personnes atteintes de dégénérescence du tendon… J’y reviendrai. Enfin, le bras en équerre immobilisé pendant six semaines et kiné plusieurs mois. Cà vous sèche un optimiste insolent. Déjà que par nature, j’ai le sourire retenu.

Et puis en continu, ne quittez pas… Les choses sérieuses attendent… à l’affut.

Otites à répétition. C’est fréquent. Des gouttes dans l’oreille. On les sent couler, froides jusqu’au fond et puis ça chauffe. On est bien ; alors en deux jours, ça passe. On est immortel.

Et puis ça recommence. Mon médecin ? Y voit rien. Chochotte… Encore des gouttes qui coulent mais, effet bizarre, ne s’arrêtent pas, elles s’enfoncent jusqu’à l’intérieur de ma joue.

Quelques mois auparavant…

On est en mai 2016

Réveil à quatre heures. Un camion immobilisé devant chez moi. Il fait un boucan d’enfer. Je laisse courrir. J’ai trop de flemme et je me rendors. Il est quand même gonflé, le routier. La nuit suivante, ça recommence. Gros poids lourd. Je me lève pour me plaindre. Devant chez moi, il n’y a rien. Mais le vacarme continue. Des deux côtés de la rue, rien du tout. Ni derrière la maison. Je m’enferme, toilettes, salle de bain, boules Quiès. Mais le son me poursuit. C’est dans ma tête. C’est donc ça les acouphènes. Un bourdonnement à bâbord dans les fréquences moyennes. Je dirai huit cents hertz. C’est pas rien. Mon doc, il voit rien, pas de bouchon, pas d’infection. C’est la dépression qu’il me dit. Mais moi, comment je fais ? Tant pis pour le parcours de soin. Sans courrier, ni recommandation, je m’invite chez le spécialiste. Tests d’audition, en dehors des quinze kilohertz perdus dans les concerts de jeunesse, la courbe rentre dans le moule. Palpation, tout semble conforme. Petite hésitation du spécialiste. Bon, la sécu leur met la pression, mais l’IRM est l’examen le plus adapté.

Septembre 2016

Je suis allongé, cerné par cette machine qui tambourine. Pas bougé. A toutes les tonalités et tous les rythmes, trente à quarante minutes. La musique de fond ne peut pas couvrir les tam-tams. En cabine, je suis entrain de me rhabiller. Il y a un truc pas clair, qu’il me dit. C’est l’opérateur. On y repasse, dans le tunnel. Il me rassure : cela ne va pas durer. Je suis dans la salle d’attente, interminable. Ecoutez, je ne vois rien du tout à gauche objecte le radiologue. Je suis déçu. Mais on a vu quelque chose à droite. Une masse bien définie, faisant quatre centimètres sur la glande salivaire principale. Pas de quoi s’affoler. Un adénome pléomorphe décrit comme une excroissance bénigne. Mais qu’il faut traiter. Le corps n’aime pas qu’on le délaisse. Parfois, Il se venge. Cette gentille tumeur blanche pourrait changer de caractère, féroce, teigneuse passant du rouge au foncé, voire nécrosée. Mais on n’en est pas là.

Octobre 2016

Le Professeur GARREL sommité de la chirurgie tête et cou sur Montpellier me reçoit ce matin. Pas de doute selon lui, un bel adénome sur la parotide droite. IL préconise une exérèse totale, afin d’éviter toute récidive. Une routine. Peu à perdre, des glandes salivaires, on en a plusieurs. Tout à gagner, on n’y revient pas en général. Les risques ? Très rares : paralysie faciale temporaire, quelques jours à quelques mois. Quand c’est ouvert, on fait un examen extemporané. Quatre-vingt-quinze pour cent de résultats en faveur d’une tumeur bénigne. Cicatrice en mode lifting, quasi invisible. Petite dépression sous l’oreille s’atténuant avec le temps. Evidemment, il faut y passer. Masque à oxygène et liquide qui chauffe dans la plomberie circulatoire.

Jeudi 4 novembre 2016

Je me réveille, douleurs à l’épaule et dans le crâne à tribord. Les soignants me rassurent. Ils ont mis la dose morphinique nécessaire à un réveil de bonne humeur. Mais je ne suis pas le patient modèle. Je demande à la tête qui est au dessus de moi : Il y a un problème ? L’opération a duré six heures au lieu des deux prévues. Vous verrez avec le Professeur, qu’il me dit, froidement. Enfin, de retour dans la chambre, exceptées les nausées conséquentes de l’anesthésie et la désagréable impression de ne sentir que la moitié du visage, je suis en vie. Nuit pénible, la vessie pleine et impossible de se vider.

Vendredi 5 novembre

Le professeur GARREL doit passer. Sentant mon anxiété, les infirmières me rassurent. Apparemment, on a préservé le nerf facial. D’où la durée d’intervention et le signe d’un pronostic favorable. Je suis serein et j’envoie un message pour rassurer ma fille. Elle me demande de confirmer. Elle est heureuse. Etudiante externe, le hasard a voulu qu’elle soit présente au sein du CHU. L’équipe médicale est à mon chevet. Professeur GARREL, souriant, s’exprime avec assurance. On a sauvé le nerf facial. C’était difficile, masse collante accrochée à la gaine, profonde. J’écoute attentivement répondant à son sourire. Puis son visage se ferme. Ce n’est pas très bon. On envoie le prélèvement pour anapath. Il   répète pour être sûr d’être bien compris. Ce n’est pas bon, on se revoie dans dix jours pour les résultats et le traitement. Il pronostique un carcinôme adénoïde kystique. Je sens une chaleur m’envahir et une stupeur me saisit. Des images, rapides défilent, se transforment en ombre et la perception de la mort plus ou moins proche me projette dans le monde de la désespérance. Mon voisin de chambre termine son séjour à midi. Il me serre la main, les yeux remplis de compassion, bon courage me dit-il. Quelle expression étrange. Il m’a déjà enterré. Quel courage y-a-t-il à devoir affronter la maladie. On ne l’a pas décidé. On la subit. Je m’entends employer la même expression par le passé, à l’endroit de personnes accompagnant un être cher dans une maladie à l’échéance incertaine, mais le courage ou la peur ne modifient pas la situation de passivité inéluctable face à une pathologie évolutive. Ma fille me rejoint. Je lui demande de me pardonner. J’ai été trop confiant. Sa tristesse est à la mesure de ses espoirs trompés.

我们有两种生活。当你意识到它是第二个开始

 

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2. L’imparfait du subjonctif

Dimanche 13 novembre

Journée de commémoration des attentats de Paris. Impossible d’écouter plus de quelques minutes, les témoignages des survivants et des familles des victimes, à la radio, à la télévision. Emotion pesante, violente qui nous replonge dans l’abime de l’inhumanité. A ce moment, comme dit Vincent Delerme, je pense aux filles de 1973. Pour moi, année d’insouciance. Mélancolie des instants innocents.

D’un autre côté, cela permet de me décentrer de ma confortable situation de malade, entouré, choyé peut-être envié. Non, je déconne. C’est quand même pas marrant tous les jours. Avez-vous essayé de faire un bisou avec la moitié de la bouche paralysée ? Ca peut paraître drôle. Mais c’est pas sexy du tout. Et encore, je vous parle d’un bisou platonique. Ma kiné m’entraine à faire des bisous, des sourires, à fermer mon œil de hibou, à faire la moue. Ca, je sais faire, paraît-il. Mais rire, cela tient de la performance. Je suis bien dans mon rôle de valétudinaire. (Hihihi, vous n’avez qu’à chercher dans le dictionnaire). Enfin, la douleur se corrige. Et tous ces gens bienveillants qui m’entourent. Je m’interroge. Ces personnes ont-elles changé. Ont-elles toujours été comme je les perçois aujourd’hui ? Bien, certainement. J’en suis extrêmement gêné. Je n’en étais pas conscient. Les regardais-je vraiment ? Les écoutais-je davantage. Que fallait-il donc pour que je prêtasse enfin attention aux autres ? L’imparfait du subjonctif ? Le début de ma deuxième vie.

En attendant, je balise un peu pour mercredi. Les résultats vont sceller le parcours de cette vie entre parenthèses. Et celle de mon entourage. Comment puis-je les épargner de cet accompagnement qu’ils n’ont pas choisi ? Me faire le plus discret possible, le plus léger aussi. Bon, c’est pas gagné, je pèse quatre-vingt-dix kilos. Mais je progresse, les kilos s’envolent à la vitesse grand V. J’entends ma fille qui hurle : Papa, il faut manger !! Mais je ne veux pas être un poids pour toi ma chérie. Dialogue de sourds.

Mercredi 16 novembre 2016

Il est quinze heures dans la salle d’attente de consultation du Professeur GARREL. Je suis accompagné par ma fille et sa maman. Elles sont aussi stressées que je suis impassible. Comment tu fais Papa ? C’est pour ça que vous êtes là ma puce. Chacun sa m… Non je délire, j’ai pris un Lexomil. Je suis immortel. Le professeur assis en face de nous. L’infirmière coordonnatrice posant son regard bienveillant et professionnel.

Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour tout le travail que vous avez réalisé, m’exclamai-je. Je lis dans son regard : attendez la suite, vous n’êtes pas arrivé. Allez- y cash Professeur. Bon, l’anapath confirme le carcinome adénoïde kystique qui a la particularité d’envahir les nerfs. Tumeur de grade IV, de progression lente mais agressive. Il faudra donc supprimer le nerf facial droit. Ma fille essaie de lire les informations sur l’écran. Elle me fait signe : stade II. On se dispute discrètement. Non, c’est T2, la taille de la tumeur mesure de deux à quatre centimètres. Pour connaître le stade, il faut la taille T, les métastases M et N, le niveau des atteintes ganglionnaires, peau, os, nerfs, etc.

La machine est enclenchée. Rapide. Rendez-vous Vendredi, Scanner tête et cou. Lundi TEP-SCAN du corps entier. Tout cela déterminera le stade, c’est à dire la progression de la maladie. Mardi, Val d’Aurelle pour la mise en place éventuelle d’un essai clinique.

Mercredi enfin, retour en consultation pour analyse des résultats et stratégie de soins.

Mercredi 23 novembre 2016

Cathy m’a accompagné. Le Professeur GARREL est détendu comme à l’habitude. Depuis le début et jusqu’à présent, les mauvaises nouvelles se sont succédé. Que va-t-il m’annoncer ? L’opération se fera le 13 décembre. On creuse un peu plus profond afin d’éliminer le maximum de tissu cancéreux. On sectionne le nerf facial avec greffe et reconstruction si possible. Opération complexe, longue, délicate. On peut y laisser sa mâchoire. Mais moi, j’ai une grande gueule. Enfin la bonne nouvelle : pas de métastases à distance.

A la maison, on ouvre le champagne et on reconstruit le monde, pour un instant, pour un instant seulement… aurait dit Jacques Brel. Je ne vais pas bouder mon plaisir. Ce soir j’ai peut-être gagné quelques années d’espérance de vie.

Bon, en attendant le 13, du repos bien mérité. Des visites à la maison. Mon frère est venu de Paris en surprise. Qu’est-ce qu’il ne faut pas inventer pour se faire remarquer.

 

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