Dimanche 16 avril
Je vous manque parait-t-il. On me demande de continuer à écrire. D’augmenter le rythme de mes parutions.
Il faut que je vous précise, ce journal n’est pas utile pour ceux qui veulent faire tourner les serviettes, pour les abonnés de la ribouldingue ou qui veulent faire la bombe. Non, on est plutôt au fond des catacombes, proche de la mélancolie des amours perdues, de la tristesse à faire fuir un dépressif potentiel. Dans un monde perdu quoi. Vous étiez prévenus. Mais vous en voulez encore. Enfin, il y aussi ceux que ça barbe. On veut bien être compatissant, mais il ne faut pas exagérer. Et puis c’est le printemps, il fait beau. Il faut penser aux résa. Déjà, plus rien pour Split au mois d’août.
Ce matin, je me regarde dans la glace. Pas si mal pour un possible futur retraité en sursis. J’ai maigri de partout. Sauf des chevilles. Je n’ai pas pris ferme, mais j’ai quand même le bracelet électronique. Oui, j’en profite. J’ai des admirateurs et surtout des admiratrices. J’ai acquis une certaine notoriété, notamment parmi mes chats. Moi qui ai grandi sans faire de bruit. Ca me fait quelque chose. L’anonyme, le silencieux, le misanthrope, le solitaire, le voilà flanqué d’une petite célébrité. Il faut dire que la maladie a refait mon éducation. Il n’est presque jamais trop tard. Je me lave les dents six fois par jour. Je m’habille avec chemise et veste. J’aime les gens. Je trouve de la gentillesse chez la plupart des personnes que je rencontre. Je vois beauté et lumière sur chaque visage. Rassurez-vous, je n’ai pas intégré de secte. Ma tumeur n’a pas encore atteint mon cerveau. Malgré mes soucis du moment, je ne suis pas aigri. J’en veux seulement à mon corps, que j’ai pourtant épargné, et qui m’a un peu laissé tomber.
Cela fait quatre semaines que je traine ma sonde. J’ai recommencé à manger bébé. Soupes, purée. Ca bave et ça gémit. Un petit rot de satisfaction. Et vient la sieste.
On a connu des moments plus glorieux dans sa modeste vie.
Comment je vais ? Les douleurs très atténuées depuis un mois, persistent, mais disparaissent avec Paracétamol et Tramadol. La déglutition est moins difficile mais l’absence de goût persiste. Plutôt que l’absence de saveur d’ailleurs, c’est sa déformation improbable qui est désagréable. La viande, c’est du métal. Le chocolat, c’est du poivre. La texture des aliments s’apparente à du sable et de la terre.
La paralysie faciale perdure. Je cours souvent après une odeur de brûlé me faisant penser à un début d’incendie, mais ce n’est que ma bouche dont les rayons continuent leur tâche de nettoyage cellulaire.
Enfin, heureusement que ma fille m’oblige à me sortir de cette carcasse infidèle, et me rappelle aux obligations parentales.
Vous savez, les cheveux frisés, c’est une calamité. Les rares compliments qu’on vous fait sont avant vos vingt ans et vous marquent d’une insincérité obséquieuse. Vous pouvez y passer des heures et des jours, lissage, brushings, soins méticuleux, courts, longs, çà ne sera jamais qu’une tignasse à vous croire lever du lit. Vous n’avez jamais l’air de rien avec cette masse laineuse, sauf à se nommer Einstein ou Beethoven.
Et j’ai refilé ça à ma fille. Vous imaginez son regard noir quand elle reluque ma tignasse en scrutant la sienne recouvrant, il est vrai, une tête très bien faite.
Bref, un matin, je me mets à lui hurler, preuve que ça va un peu mieux, de nettoyer ses cheveux dans la salle de bain. Elle me répond, l’effrontée : mais ce n’est pas moi Papa ! Quelle mauvaise foi me dis-je… C’est alors que parcourant ma tête, en quête de mèches rebelles, je sens comme un espace bien doux derrière mon oreille, se prolongeant sur ma nuque. Un désert de peau dans ma chevelure bouclée que je croyais épargnée. Les cheveux en touffe dans la baignoire, étaientt les miens.
Je rends avec dépit mon tablier de paternel ronchon et injuste.
Un vent glacial souffle sur Montpellier. Cà peut rendre fou paraît-il. En tout cas, je me sens obligé de rassurer mes proches. Ils sont grognons de cette tramontane persistante. Je leur dis : c’est pas grave. Ca ne va pas durer. C’est un mauvais moment à passer. Patience. Tant qu’il y a de la vie… Enfin toutes ces choses-Là.
Jeudi 20 avril
J’ai eu des belles visites récemment.
Dans ces moments, mes expressions faciales ne sont pas à la hauteur de mes émotions. Vous ne comprenez pas ? Relisez mon journal depuis le début.
Quel bonheur ! Dimanche prochain, le 23 avril 2017, sera une super journée pour moi. Vous ne savez pas pourquoi ? Mon frère et son épouse viennent me voir. Je les attends avec impatience. Non je n’avais rien de prévu ce jour-là, ça tombe bien.
… Quant aux résultats du traitement, ce sera le 3 mai.
Mon petit Bonheur de la journée

salut max
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Je pense qu’on peut se serrer la main…
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